Friday, September 16, 2005

Mon parapluie.

Mon parapluie
doit être très inquiet
de m'avoir perdu
ERIK SATIE (1866-1925)

Je suis tombée en arrêt devant cette jolie remarque attribuée à Erik Satie et elle m'a donnée envie de mieux connaître l'auteur. C'est tout un art de retourner la situation et de transférer les affects (états affectifs élémentaires). Une manière très raffinée de lâcher prise! Imaginons un parapluie coincé dans sa responsabilité d'objet protecteur... Qu'adviendrait-il si vous le perdiiez??? Il serait effectivement trés perturbé de ne plus pouvoir vous abriter en cas de pluie . Quant à vous, votre inquiétude ne dure que le temps de vous procurer un autre pépin(pardon... je veux dire un autre parapluie!). On ne se soucie pas assez du mal que l'on fait à son parapluie quand on le perd.
Pour rester dans le domaine musical. Un CD de Cécilia Bartoli vient de sortir. Un décret datant de 1588 interdisait aux femmes de monter sur les scènes publiques. Dans les Opéras, les rôles de femmes étaient interprétés par des castrats. Durant le début du 18ème siècle l'opéra était interdit à Rome. Ce CD est un choix de quelques extraits d'opéras de cette époque et a pour titre: OPERA PROIBITA C'est un joli clin d'oeil pour dénoncer la répression sous toutes ses f ormes.
Une envie récurrente à satisfaire: un week-end à Rome ou à Barcelonne.
Une envie récurrente qu'il faudra bien satisfaire: un week-end à Rome ou Barcelonne.

1 comment:

Raphaël Zacharie de Izarra said...

LE CASTRAT

Avec sa voix d'ange, il troublait hommes et femmes. Créature énigmatique au charme androgyne, le castrat était entouré de prétendantes toutes plus belles les unes que les autres. Une seule cependant avait retenu son attention, pour qui il éprouvait les mêmes feux. Amputé de sa partie profonde, il n'en aimait que plus passionnément cette femme : l'organe vital qu'il sentait battre dans sa poitrine était entier, lui. N'était-ce pas l'essentiel ?

Cet amour exempt de corruptions charnelles l'enivrait et le chagrinait tout à la fois. L'amante quant à elle était éprise de chasteté, de beauté, d'idéal, éprise de cet eunuque à la voix d'oiseau qui incarnait ses plus chères aspirations amoureuses... Leur hyménée asexué était beau et tragique, pitoyable et sublime. Le sopraniste avait remplacé son mâle argument par un céleste substitut, consolateur et exquisément éthéréen. Sa voix de flûte valait la plus flatteuse des virilités, au moins auprès de la gent raffinée.

Émotions supérieures, pureté du coeur, élévation des sentiments liaient les amants dans leur ascension amoureuse. Leur union chaste était une oeuvre d'art dédiée à la Musique, à la Beauté, à la Poésie. Envié, admiré, jalousé de tous, le couple passait des nuits exaltées et brillantes où l'Art présidait à leurs émois esthètes et vertueux.

L'amant à la voix séraphique souffrait toutefois de ne posséder que son attribut vocal pour toute séduction. Ornement suprême à la portée des initiés et des intrigantes parmi les plus belles, lui conférant gloire et prestige certes, mais signature irréparable de sa mâle déchéance. Le sacrifice était beau... Et cruel. N'était-ce pas ce qui en faisait le prix ?

Hôte des princes, statue vivante affranchie des pesanteurs de ce monde, le demi-homme était traité comme un demi-dieu. Las ! Le baume de la renommée ne parvenait pas à l'apaiser.

Conscient de ses hauteurs comme de ses limites, l'asexué aspirait à des ivresses qui eussent pu contenter les féminines ardeurs, des plus nobles aux plus triviales, des plus légères aux plus profondes. Il se languissait de ne pouvoir se ranger sous les lois naturelles de l'amour. Alors que tous louaient sa particularité vocale et que, porté par la grâce, il échappait au commun, sa condition quasi angélique lui était devenue odieuse. A l'abri des misères de la chair, il n'en n'était pas moins privé de ses éclats.

S'épanchant vers l'élue, celle-ci ne pouvait que recueillir ses larmes d'orphelin, émue par ce jeune chêne à qui l'on avait ôté la sève. Privé de sa virilité, l'éploré était bouleversant dans les bras de la belle : doucement, tout doucement il sanglotait, sanglotait avec sa voix d'enfant dans le giron de l'aimée...

Et c'est là, inconsolable et pathétique, que le chant du roseau devenait le plus beau.

Raphaël Zacharie de Izarra
(raphael.de-izarra@wanadoo.fr)