Wednesday, October 17, 2007

Avant-première

L'impression d'avoir perdu une journée est tellement désagréable qu'il faut rattraper d'une manière ou de l'autre cette sensation de vacuité; Cet état d'esprit est probablement lié à l'idée qu'il n'est pas permis de "perdre" son temps à ne rien faire. En ce qui me concerne ,je dirais plutôt qu'il est dommage de ne pas profiter de ce qui sur terre est à notre portée pour notre plaisir. Encore le 7ème Art! En fin d'après-midi j'ai réalisé que le film de Naomi Kawase:"la forêt de Mogari" passait en avant-première au Mk2 Quai de Seine. L'affiche déjà ,avait attiré mon attention: une vue de la forêt et des plantations géométriquement disposées qui me rappelaient le graphisme fascinant des rizières balinaises. Le scénario que j'avais lu en diagonale(tiens!) parlait d'un vieux monsieur atteint d'Alzheimer qui fugue de la maison de retraite où il est pris en charge pour aller dans la forêt suivi par son aide-soignante.
Du cinéma que l'on pourrait qualifier selon l'adjectif consacré, d'alternatif...A coup sûr ,on est loin du cinéma à gros budget grand spectacle qui cherche à brosser le spectateur dans le sens du poil. On est là , plutôt dans une métaphore sur l'aboutissement de la vie. Ce qu'il reste à la fin quand on a perdu l'être qui vous était le plus cher et la mémoire. Sauvage et tendre. Le vieux monsieur a perdu sa femme et le nom de l'aide-soignante le dérange: Machiko. Sa femme, elle, s'appelait Mako. Rageusement, il griboulle puis déchire à coup de pinceau la syllabe de trop , celle du milieu. Et c'est là que le voyage commence , il faudra retrouver Mako.Comme dans le voyage de Chihiro il s'agit de retrouver le nom.Machiko, elle, ne sait pas si elle va réussir cette mission étrange: accompagner ce viel homme dans cette ultime quête. Elle demande conseil à la directrice de la maison de retraite qui lui répond:"il n'y a pas de règles formelles, sais-tu?" Cette réponse résume à la fois le film dans son scénario et dans sa situation par rapport aux autres films. Les règles, il faut les trouver, les inventer. Est-ce que je suis vivant? demande Shigeki au début du film.Est-ce que tu manges? lui répond l'homme interrogé et ensuite il faut avoir des sensations agréables se sentir vivre...Avant d'entrer dans la forêt Shigeki mange une pastèque qu'il a fait éclater en la jetant au sol . Il la partage avec Machiko et tout deux répètent:"c'est délicieux!" en se léchant les babines comme des animaux sauvages.La forêt. Hostile et protectrice à la fois, profonde, rugueuse et douce, sombre et parfois lumineuse. Une scène magnifique devant le feu que Shigeki a réussi a allumer. Elle le réchauffe, peau contre peau et lui redonne vie. Il a dansé avec Mako. Avant ou après, je ne sais plus. Perte de mémoire. Il est arrivé au bout du voyage. Pour elle, c'est la fin du deuil. Le sens étymologique de "Mogari", la fin du deuil.
P-S Naomi Kawase qui a présenté son film vit au Japon avec sa grand-mère de 92 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer et son fils de 2 ans.
Dans la région du Canton de Tawara à l'ouest du Japon où est tourné le film les personnes âgés et souffrantes peuvent mener une existence quasi normale dans un environnement proche de leur ancien cadre de vie.

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